Une commune sans pauvreté
« Lorsque je donne à manger aux pauvres, on dit de moi que je suis un Saint. Lorsque je demande pourquoi les pauvres n’ont pas à manger, on me traite de communiste » (Dom Hélder Pessoa Câmara). La pandémie covid a eu un impact lourd sur le niveau de vie de beaucoup de Bruxellois, et plus particulièrement de ces gens qui ont du mal a finir les mois. On a vu l’augmentation des inégalités et de la pauvreté aiguë dans la ville. La crise d'énergie a affecté le pouvoir d’achat de toute une série de travailleurs. De plus en plus de familles ont des difficultés à payer les prix des loyers qui ont augmenté fortement. Pendant le covid, de nombreux Bruxellois n’ont pas pu bénéficier du chômage temporaire et du droit passerelle. C’était le cas de certains indépendants, de nombreux artistes, de travailleurs précaires, d’étudiants, des travailleurs dans le secteur informel, des travailleure sans papiers et des personnes sans-abri. Les deux crises ont fait augmenter les problématiques de santé mentale fortement, particulièrement chez les jeunes qui ont difficile à s’imaginer un avenir sans insécurité sociale et pauvreté. Le sans-abrisme a augmenté. En 2018 les organisations de lutte contre le sans-abrisme comptaient 4.187 personnes sans abris dans les rues de la Région. En 2022 il s’agit de 7135 hommes, femmes et enfants, soit une hausse de presque 60%. Bruxelles est une des régions les plus riches d’Europe mais près d’un tiers des Bruxellois vivent dans la pauvreté. La richesse des uns fait la pauvreté des autres. Alors qu’une poignée de milliardaires s’enrichissent chaque année un peu plus, de plus en plus de gens ne parviennent plus à joindre les deux bouts en fin de mois. Les richesses produites par nous tous, se retrouvent dans les poches d’une petite élite. Pensons à Bernard Arnault, qui a explicitement transféré une grande partie de ses sous à Bruxelles.Malgré les promesses des gouvernements successifs de combattre la pauvreté, aucun n’a réussi à la faire reculer. la raison qu’il ne s’attaque pas aux véritables causes. Au lieu de bloquer les prix d'énergies, les gouvernements sont venus avec des primes pour une partie de la population. À Bruxelles Alain Maron envoyait les gens au CPAS, qui étaient déjà débordés. Les prix des loyers ont continué à augmenter, mais le gouvernement bruxellois n’a pas osé plafonner les loyers avec une grille contraignante. Le gouvernement Bruxellois a coupé dans les budgets des services régionaux et la digitalisation des services sociaux risque d’exclure toute une série de personnes. Cette politique pousse les personnes en situation de précarité. Elles sont pourchassées, sanctionnées ou tout simplement repoussées. On les juge responsables de ce qui leur arrive, c’est ce qu’on appelle le « victim blaming ».Au PTB, ce ne sont pas les pauvres, mais la pauvreté que nous voulons chasser de la ville et des communes. Nous défendons une politique qui garantit à tous une existence digne. Pour pouvoir combattre efficacement la pauvreté, il faut d’abord garantir à tous un accès aux droits sociaux fondamentaux, et notamment le droit à un logement, le droit au travail, le droit à la santé, le droit à l’éducation et le droit à l’épanouissement. Pour chacun de ces droits fondamentaux, nous avons développé dans notre programme des priorités distinctes. Dans ce chapitre, nous mettons en avant une série d'actions préventives, des propositions spécifiques et complémentaires. Notamment le renfort des services publics, des initiatives comme le Housing First, une politique qui offre aux sans-abri un logement inconditionnel et de l’accompagnement le plus rapidement, ainsi que d'autres services de soutien par la suite, comme l’ouverture d’une maison de quartier accessible à tous dans chaque quartier de la commune. Pour nous, le CPAS doit se porter garant de la réalisation des droits sociaux fondamentaux. Nous voulons des services sociaux à taille humaine, accessibles, à l’écoute et au service des citoyens, et nous voulons que les droits soient automatiquement octroyés. Nous voulons également garantir le droit au logement et le droit au travail, y compris pour les personnes en situation de vulnérabilité. Nous voulons faire de l’accès à l’eau et à l’énergie un droit humain fondamental.
Ce que nous voulons
Un. Garantie du droit au logement pour tous
- Anticiper la pauvreté ça se fait par l’accès au aux droits sociaux et surtout par l’accès au logement de qualité pour tous, par le biais d’une grille contraignante sur les prix des loyers.
- Chaque CPAS doit prévoir un service gratuit de médiation et d’accompagnement préventif en matière de logement. L’accompagnement aura pour priorité d’éviter à tout prix l’expulsion, laquelle ne pourra avoir lieu que dans certains cas extrêmes et seulement si un autre logement est garanti.
- Les propriétaires devraient être obligés d’avertir le CPAS dès qu’un locataire a deux mois de retard dans le paiement de son loyer, ou en cas de dettes d’énergie.
- Malheureusement il y a des personnes qui pour de multiples raisons se retrouvent sans toit. Aider ces personnes passe par un accompagnement adapté et l’accès au relogement par le système du Housing First. D’abord un toit, avec un accompagnement psychosocial pour revenir à une autonomie et une intégration sociale.
- On maintient un accueil d’urgence et l’hébergement transitoire tout au long de l’année, sans condition et sans seuil, de jour comme de nuit. L’accueil et l’hébergement constituent des missions essentielles du CPAS, qui doivent rester un service public à part entière, avec un statut digne pour les travailleurs sociaux, une protection sociale et une réglementation stricte en matière de transparence.
- Ces accueils d’urgence et l’hébergement transitoire doivent être adaptés aux besoins spécifiques, avec une attention particulière pour les personnes vulnérables (femmes, enfants, familles, LGTBQ)
- La personne qui frappe à la porte du centre d’accueil d’urgence devra pouvoir accéder à un logement dans les trois mois en vertu du principe du Housing First.
- La commune doit recourir au maximum à son droit de réquisitionner les immeubles inoccupés pour le logement des personnes sans-abri.
- Nous voulons qu’à son niveau, les communes appliquent plus largement le principe de l’adresse de référence sans imposer de conditions supplémentaires.
Deux. Le CPAS, garant de la réalisation des droits sociaux fondamentaux
- Le CPAS garantit le droit à l’aide sociale. En tant que droit, et non en tant que faveur. Toute personne qui frappe à la porte du CPAS doit pouvoir bénéficier d’une aide inconditionnelle. Le travail social est une profession axée sur la protection des droits humains et les travailleurs sociaux sont là pour aider et non pour contrôler et sanctionner.
- Nous protégeons les missions principales du CPAS au niveau local et nous nous opposons à cet égard à l’intégration du CPAS dans la commune.
- Le CPAS dirige les politiques sociales au niveau local et implique les autres organisations de terrain en tant que partenaire, et non en tant que « sous-traitant ». L’aide sociale constitue le terrain exclusif du secteur non marchand. Nous nous opposons à toute forme de marchandisation.
- Nous voulons augmenter le revenu d’intégration sociale jusqu’au seuil de pauvreté européen. Le revenu d’intégration sociale doit être octroyé sans condition à toute personne avec un revenu sous ce seuil. En attendant une augmentation structurelle au niveau fédéral, les communes bruxelloises doivent viser à augmenter le revenu d’intégration via l’aide financière complémentaire.
- Nous voulons augmenter jusqu’à 100% le pourcentage de remboursement par l’autorité fédérale.
- Afin d’assurer un accompagnement de qualité, sur mesure, la charge de travail ne peut pas être supérieure à 50 dossiers actifs par travailleur social.
- Nous nous opposons fermement à l’application d’un service communautaire obligatoire.
Trois. Des services et des aides à taille humaine
- Les services publics communaux doivent être accessibles, à la portée de tous et à l’écoute des citoyens
- Les services doivent être accessibles en termes de distance.
- Nous garantissons des services avec des guichets physiques/humains de qualité. Les services doivent disposer d'un accueil physique ouvert où les personnes peuvent se rendre sans rendez-vous et sans coût supplémentaire.
- En même temps, nous rendons les alternatives numériques accessibles au maximum.
- Les services doivent être à la portée de tous : pas de termes compliqués, pas de jargon, pas de méandres informatiques, mais une aide sur mesure, avec l’intervention d’un interprète le cas échéant
- Les services doivent être à l’écoute des citoyens : le point de départ des fonctionnaires et employés au guichet ne doit pas être la réglementation, mais la demande d’aide et la manière dont ils vont pouvoir y répondre
- Nous impliquons les personnes en situation de pauvreté dans toutes les phases de l'élaboration et de l'évaluation des politiques
- Nous mettons les huissiers de justice à la porte. Nous voulons interdire aux institutions et services communaux de faire appel aux bureaux de recouvrement et huissiers de justice pour obtenir le paiement de factures impayées
- Nous voulons encourager dans tous les services et institutions publics et parapublics la création de collectifs d’usagers et ouvrir les conseils d’administration aux représentants des usagers, aux groupes d’intérêts et au personnel.
Quatre. Lutte contre la sous-protection sociale et octroi automatique des droits
- Les conditions d’octroi des droits sociaux doivent être simplifiées, le but étant d’arriver à ce que ces droits soient autant que possible inconditionnellement garantis.
- C’est aux autorités d’automatiquement vérifier, sans que la personne n’ait à en faire la demande, si elle a ou non droit à une aide. Les droits doivent dans la mesure du possible être octroyés sur base du revenu et non sur base du statut social des personnes.
- Les travailleurs sociaux doivent se montrer proactifs et doivent pouvoir détecter les situations de sous-protection (potentielle) et garantir à chacun l’accès aux droits sociaux.
- Nous voulons que le principe du « only once » soit systématiquement appliqué, autrement dit une fois le document déposé, il pourra être réutilisé dans le cadre d’autres demandes.
Cinq. Un emploi fixe, y compris pour les personnes en situation de précarité
- Les communes sont tout d’abord elle-même un employeur important. Nous nous opposons à toute sous-traitance de tâches et de services et au fait que de plus en plus d’emplois sont remplacés par du bénévolat. La commune doit offrir des emplois de qualité, et également prévoir des emplois pour les personnes en situation de précarité.
- Nous ne nous focalisons pas sur les diplômes, mais nous prenons en compte les compétences acquises par l’expérience. Les candidats seront non seulement recrutés sur base de tests écrits, mais également sur base d’examens pratiques qui pèseront tout aussi lourd dans la balance.
- Le CPAS doit offrir un accompagnement socioprofessionnel de qualité et de proximité qui débouchera sur un emploi de qualité. Ils appliquent une approche intégrale qui prend en considération non seulement les éléments liés au travail, mais aussi les éléments liés au bien-être.
- Les parcours d’insertion socioprofessionnelle sont utilisés comme instruments pédagogiques et instruments d'émancipation, et non comme des moyens de contrôle ou d’obligation. Nous travaillerons en collaboration avec des associations à but non lucratif uniquement, à même d’offrir l’expertise et l’encadrement nécessaire
- La commune doit investir dans des emplois via les ateliers sociaux et dans l’économie de services locale. Au travers d’initiatives comme les épiceries sociales ou restaurants de quartier, nous visons la création d’emplois pour les groupes les plus vulnérables dans un environnement de travail à bas seuil
- Pour des personnes qui ne peuvent, pour des raisons diverses, pas ou plus fonctionner sur le marché du travail, une forme d’assistance par le travail (‘arbeidszorg’) peut offrir un emploi stable. Ceci ne peut faire office de tremplin vers le marché du travail.
Six. Une maison de quartier dans chaque quartier de la commune
- Pour chacun des quartiers d’Anderlecht, nous voulons une maison de quartier. Celle-ci offre des services sociaux à bas seuil, visant à réaliser les droits sociaux fondamentaux de tous les habitants du quartier.
- C’est autour d’une tasse de café ou de thé que les habitants du quartier seront aidés à régler une question d’ordre administratif, à éplucher leur facture d’énergie ou pour régler toute sorte de problème.
- La maison de quartier proposera, en coopération avec les organisations de premières lignes dans le quartier, une guidance budgétaire, une aide en matière de logement et un accompagnement socio-professionnel. Elle offrira également un encadrement pour la résolution de problèmes liés à la santé, aux dettes d’énergie et d’eau, une aide en matière d’enseignement et d’éducation ainsi qu’une aide médicale accessible par l’intermédiaire d’un personnel infirmier.
- Les travailleurs sociaux seront actifs sur le terrain, les visites à domicile et le travail de proximité permettent ainsi d’atteindre ceux qui pour une raison ou une autre ne font pas le déplacement jusqu’à la maison de quartier. Ces équipes construisent des relations de confiance qui permettent de rediriger directement les gens vers des services d’aide médicale ou sociale.
- La maison de quartier organise de moments et des activités de rencontre pour construire un quartier solidaire
- Dans les maisons de quartier, les personnes en situation de pauvreté prennent la parole et contribuent à l'élaboration et à l'évaluation des politiques de lutte contre la pauvreté. Une chose qui dans notre société actuelle leur est bien trop souvent refusée. Nous voulons ainsi briser la « culture du silence » et développer une conscience individuelle et collective.
Vision
Ville riche, habitants pauvres
Bruxelles fait partie des villes les plus riches. En 2019, Bruxelles était la cinquième région la plus riche d’Europe ! Malheureusement, les Bruxellois profitent à peine des richesses produites. Un Bruxellois sur trois ne parvient pas à boucler ses fins de mois et vit avec un revenu qui se situe en dessous du seuil de risque de pauvreté. C’est donc moins de 1366 euros pour un isolé ! À Bruxelles, deux enfants sur cinq grandit dans une famille où il n’y a pas de revenu du travail. On ne compte plus les foyers qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Un paradoxe intolérable.
Les personnes à faible revenu sont confrontées à de multiples problèmes. La pauvreté rend malade, et la maladie rend pauvre. La hausse des prix d’énergies et des charges locatives pèse lourd sur le budget des Bruxellois. Avec pour conséquences dettes, privations et report/renoncement à des soins de santé. Bon nombre de Bruxellois n’ont d’autre choix que de s’installer dans un logement trop petit, inadapté et de piètre qualité, d’autres sont tout simplement contraints de quitter Bruxelles. Certains tombent dans un cercle vicieux et finissent par se retrouver à la rue. Alors qu’elle fait partie des villes les plus riches d’Europe, Bruxelles compte plus que 7 000 personnes sans-abri ou sans domicile fixe.
Et que font les décideurs politiques ? Plutôt que de s’attaquer aux causes structurelles de la pauvreté, ils ciblent directement les pauvres, qu’ils montent les uns contre les autres. Ils les laissent dormir dans la rue et dans des squats. Ils organisent des rafles dans des gares mais sans solution durable. On nous fait croire qu’il y a de « bons » et de « mauvais » pauvres. Les premiers n’ont pas eu de chance et peuvent compter sur l’aide ou plutôt la charité des autres. Quant aux « mauvais pauvres », ce sont de soi-disant profiteurs et des aventuriers. De plus en plus de personnes se voient qualifiées de la sorte. Ceux qui n’arrivent pas à garder la tête hors de l’eau sont les seuls à blâmer. Ils sont tenus responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent, ils sont pourchassés et sanctionnés. C’est ce qu’on appelle le victim blaming. Certains sont tout simplement chassés du quartier ou de la commune. À coup de projets immobiliers prestigieux, la ville et les communes cherchent en effet à attirer de nouveaux habitants qui disposent de moyens financiers plus importants, chassant ainsi la population locale.
La pauvreté est une conséquence de la manière dont notre société est organisée et de la politique néolibérale menée depuis des décennies au profit d’une petite élite fortunée. Pour le PTB, combattre la pauvreté ce n’est pas pratiquer la charité et encore moins responsabiliser et sanctionner les personnes qui vivent dans la pauvreté.
« Vaincre la pauvreté n’est pas un acte de charité, mais un acte de justice. Il s’agit de protéger les droits humains fondamentaux, le droit de vivre dans la dignité, libre et décemment. Tant que la pauvreté persistera, il ne saurait y avoir de véritable liberté » (Nelson Mandela, 2005).
Vaincre la pauvreté est un choix de société : voulons-nous une société où un petit cercle fermé de milliardaires s’enrichit toujours plus, tandis que la majorité devient de plus en plus pauvre ? Ou voulons-nous une société où les richesses produites sont réparties de manière égale et équitable ?
La politique de lutte contre la pauvreté qui est actuellement menée n’arrive pas à répondre à la montée de la pauvreté et tous les problèmes qui proviennent souvent de la pauvreté, comme le sans-abrisme, les problèmes de santé mentale ou de l’addiction. On tente de compenser les effets les plus néfastes de la politique néolibérale qui créent la pauvreté avec des prix d’énergie, de loyer et d’alimentation qui ne cessent d’augmenter. Mais aussi avec l’insécurité sociale, la flexibilité du marché de travail et l’affaiblissement du service public. Là aussi les budgets sont sévèrement amputés.
Le problème c’est que ces mesures sélectives, qui visent tout spécialement les plus pauvres, ont non seulement un effet stigmatisant, mais sont en plus totalement inefficaces. Ce n’est pas en appliquant des tarifs sociaux pour les plus pauvres que l’on parviendra à éradiquer la pauvreté dans le monde. Si l’on veut réellement combattre la pauvreté, il faut commencer par s’attaquer à la racine du problème ! Autrement dit, changer le système qui crée cette pauvreté.
Au PTB, nous plaidons pour une politique universelle équitable qui garantit à tous une existence digne. Pour combattre efficacement la pauvreté et les inégalités sociales, nous avons besoin de mesures universelles et de services publics de grande qualité, qui accordent également une attention toute particulière aux personnes les plus démunies. Autrement dit une offre universelle, mais avec des interventions adaptées et renforcées en fonction des besoins, et le cas échéant la mise en place de services supplémentaires.
Nous voulons garantir à chacun l’accès aux droits sociaux fondamentaux. Les biens et services fondamentaux sont pour nous un droit social et non une marchandise. Nous sommes donc opposés à la marchandisation et à la privatisation des services publics. Nous sommes contre le principe de « coût réel » qui prépare la marchandisation des services publics. En effet, au nom du principe du « coût réel » le prix de l’eau, de l’énergie et même des transports publics est poussé à la hausse pour qu’il devienne « conforme au prix du marché ». La vérité c’est que les multinationales n’attendent qu’une chose : enfin pouvoir engranger des bénéfices dans ces secteurs qui récemment encore étaient des secteurs purement publics. Dans une société où le « coût réel » est facturé, il est impossible d’assurer la garantie de ces droits en appliquant un prix inférieur à celui du marché ou en proposant des services gratuits, comme l’enseignement par exemple. La solidarité doit être organisée par le biais d’un impôt progressif et non par des services payants.
La garantie des droits sociaux fondamentaux est la meilleure protection contre la pauvreté. Nous réclamons pour tous un logement abordable et de qualité. Un emploi sûr, un salaire décent, un environnement de travail sain et suffisamment de temps libre à consacrer à la famille et à la détente. Un accès à des soins de santé abordables. Un enseignement totalement gratuit avec des classes moins peuplées. La commune et le CPAS doivent investir dans des maisons de repos publiques de qualité et abordables qui répondent aux besoins des gens.
Pour cela, des mesures structurelles sont nécessaires. Si cette compétence relève avant tout du gouvernement régional et fédéral, les communes disposent elles aussi des leviers nécessaires et sont, en principe, plus proches des gens. Au PTB, nous estimons que la commune doit prendre sa responsabilité et garantir à tous un accès aux droits sociaux fondamentaux c’est-à-dire le droit au logement, le droit au travail, le droit à la santé, le droit à l’éducation et à l’épanouissement. Chacun de ces droits est développé séparément dans ce programme.
Dans ce chapitre, nous mettons en avant une série de propositions spécifiques et complémentaires pour lutter contre la pauvreté.
Un. Garantie du droit au logement pour tous
Si on veut pouvoir garantir le droit au logement pour tous, nous ne pouvons pas nous contenter de nous attaquer aux problèmes les plus graves, comme les expulsions, les personnes sans-abri et sans domicile fixe. Ces phénomènes (de plus en plus fréquents) ne sont que la pointe émergée de l’iceberg et cachent un phénomène beaucoup plus vaste d’exclusion sociale du droit au logement. Il faut ici s’attaquer aux causes structurelles. Nos solutions pour des logements abordables sont développées au chapitre un. Ici, nous nous intéressons aux mesures nécessaires et urgentes pour protéger les Bruxellois les plus précarisés.
En ce qui concerne les problèmes d’ordre locatif, nous misons sur la prévention, avec intervention aussi rapide que possible, qu’il s’agisse d’un logement social ou d’un logement privé. La grande majorité des litiges d’ordre locatif concerne des arriérés de loyer. Les propriétaires devraient être obligés d’avertir le CPAS dès qu’un locataire a deux mois de retard dans le paiement de son loyer. À l’heure actuelle, le CPAS n’est averti qu’au moment où la procédure d’expulsion est déjà entamée. Et bien trop souvent, le CPAS n’entreprend aucune action avant que les personnes concernées ne se retrouvent effectivement à la rue. Les CPAS devraient également être automatiquement avertis en cas de dettes d’énergie, signe d’une possible situation problématique.
Chaque CPAS doit prévoir un service gratuit de médiation et d’accompagnement préventif en matière de logement. Les assistants sociaux rattachés à ce service se rendront sur place afin d’apporter une aide active aux locataires confrontés à des arriérés de loyer. Ensemble, ils chercheront une solution adaptée, ils analyseront les différentes options et ils examineront quelles sont les aides auxquelles le locataire a droit. Ils entreprendront ensuite des négociations avec le propriétaire pour éviter l’expulsion. L’encadrement aura en effet pour priorité d’éviter à tout prix l’expulsion, laquelle ne pourra avoir lieu que dans certains cas extrêmes et seulement si un autre logement est disponible.
Certains locataires, et en particulier les plus vulnérables, sont également victimes d’expulsions « sauvages », c’est-à-dire des expulsions qui se font en dehors de tout cadre légal, par exemple en remplaçant les serrures de l’habitation à l’insu des locataires ou en recourant à des manœuvres d’intimidation pour les contraindre à quitter le logement d’eux-mêmes. Bien souvent, les victimes d’expulsions sauvages ignorent que c’est illégal. Les services de police refusent généralement d’intervenir. Ils doivent néanmoins intervenir en cas d’infraction présumée (violation de domicile), dresser un procès-verbal et procéder à l’interdiction immédiate d’expulsion.
Dans les maisons de quartier, nous voulons également proposer un accompagnement en matière de logement afin de préserver le droit à un logement décent pour tous.
Nous voulons que les sans-abri et sans domicile fixe puissent bénéficier de l’accueil d’urgence tout au long de l’année, sans condition et sans plafond, de jour comme de nuit. L’accueil et l’hébergement transitoire sont une mission essentielle du CPAS, qui doit rester un service public à part entière, avec statut afférent, protection et réglementation stricte en matière de transparence.
Les CPAS doivent investir dans l’accueil d’urgence et les logements de transit. Nous voulons une infrastructure correcte avec des chambres de maximum quatre personnes et des places d’accueil séparées pour les femmes, les familles avec enfants et pour d'autres groupes qui risquent d'être victimes de discrimination ou de l'harcelement.
La personne qui frappe à la porte du centre d’accueil d’urgence devra être relogé dans un hébergement transitoire et doit pouvoir accéder à un logement dans les trois mois en vertu du principe du Housing First. L’idée du Housing First est d’offrir un logement dans un premier temps et ensuite mettre en place une guidance multidisciplinaire et intensive, sur mesure. Il est scientifiquement prouvé que le Housing First est le moyen le plus efficace et le plus rentable pour lutter contre le sans-abrisme. La région, les communes et le CPAS renforcent le service Housing First, avec un personnel professionnel, ce qui implique un accès à des logements décents et durables, une coordination régionale et une offre de logements diversifiée dans toute la Région.
La commune doit recourir au maximum à leur son droit de réquisitionner les immeubles inoccupés pour les convertir en logements pour des personnes sans-abri.
Les personnes qui n’ont pas d’hébergement ou logement fixe peuvent demander une adresse de référence auprès d’une personne physique ou du CPAS compétent. En effet, posséder une adresse fait partie des conditions indispensables pour pouvoir accéder à certains droits. Malheureusement, la loi n’est pas suffisamment appliquée et l’adresse de référence continue de poser problème. Nous voulons qu’à leur niveau, les communes appliquent plus largement le principe de l’adresse de référence sans imposer de conditions supplémentaires.
Deux. Le CPAS, garant de la réalisation des droits sociaux fondamentaux
Le droit à l’aide sociale est une priorité dans la mise en œuvre d’une politique de lutte contre la pauvreté au niveau local. Le CPAS a pour mission de « faire en sorte que chacun puisse mener une existence conforme à la dignité humaine ».
Avec la loi sur les CPAS promulguée en 1976, cette aide sociale devient un droit et non plus une faveur. On ne parle plus de « bons » ou « mauvais » pauvres, mais de « bénéficiaires ». L’aide sociale ne vise plus uniquement les plus pauvres, mais tous les habitants de la commune. Le passage de l’aide aux indigents à l’aide sociale est un pas important dans notre développement démocratique. On reconnaît que la pauvreté est un produit du capitalisme et que le libre marché n’est pas en mesure d’offrir une garantie d’existence. Le CPAS est l’aboutissement ultime de la sécurité sociale et a pour mission de garantir le droit à un minimum vital (aujourd’hui appelé « revenu d’intégration »). Notre société a besoin d’un dernier filet de sécurité pour les personnes en situation de précarité sociale, de manière à ce que toute personne dans le besoin puisse bénéficier d’une aide adaptée et d’un revenu digne.
Ce droit universel à l’aide sociale est aujourd’hui soumis à de fortes pressions et fait depuis un bon moment déjà l’objet d’un détricotage par le biais d’une série de lois. De plus en plus les bénéficiaires du CPAS sont tenus individuellement responsables. L’octroi de l’aide sociale est soumis à des conditions toujours plus nombreuses, ce qui a pour conséquence de relever le seuil d’accès aux droits sociaux fondamentaux. Les bénéficiaires du revenu d’intégration sont accusés de se la couler douce et de profiter d’un « État-providence passif », il faut donc les « activer ». La disponibilité au travail est d’ailleurs une des principales conditions pour l’accès à l’aide sociale, sous peine de sanctions. Certains voudraient d’ailleurs que le CPAS, comme c’était le cas autrefois, ne se concentre plus que sur les personnes qui sont désespérément dans le besoin.
Le PTB prône une aide universelle, en tant que droit, et non en tant que faveur. Le CPAS a pour mission de garantir ce droit. Il doit être aussi ouvert et accessible que possible. Toute personne qui frappe à la porte du CPAS doit pouvoir bénéficier d’une aide sans condition. L’aide universelle doit également accorder une attention toute particulière aux citoyens les plus vulnérables, pour qui une aide renforcée doit être prévue. Nous sommes fondamentalement opposés à l’application d’un service communautaire obligatoire. Nous ne voulons pas que d’autres se retrouvent dans la même situation que Harry qui a perdu son emploi de balayeur de rues à La Haye, aux Pays-Bas, qui n’a jamais retrouvé de travail par la suite et qui finalement s’est retrouvé dans le cadre du service communautaire obligatoire à faire le même travail qu’auparavant, mais pour un salaire bien moindre.
De leur côté, les travailleurs sociaux subissent la « marchandisation » de l’aide sociale. De plus en plus, on a recours aux instruments du secteur privé. L’aide sociale est définie dans un contrat et est de plus en plus standardisée. Les travailleurs sociaux se retrouvent avec une surcharge de tâches administratives. Or, le travail social c’est avant tout un travail axé sur les relations humaines, et non un travail informatique. Les travailleurs sociaux doivent pouvoir disposer du temps nécessaire pour entretenir un contact humain, mener à bien le suivi et pour pouvoir effectuer un travail sur mesure, adapté aux besoins spécifiques du demandeur. La charge de travail ne peut donc être supérieure à 50 dossiers actifs par travailleur social. Le travail social est une profession axée sur la protection des droits humains, mais aussi sur la défense de la dignité humaine et de la justice sociale. Les parcours proposés sont utilisés comme instruments pédagogiques et d’autonomisation, et non comme des moyens de contrôle. Les travailleurs sociaux sont là pour aider et non pour contrôler et sanctionner.
Nous voulons que la commune et le CPAS puissent apporter à chaque citoyen la garantie d’une existence digne. Les travailleurs sociaux et les citoyens doivent être impliqués dans la mise en œuvre de la politique sociale et c’est à la commune et au CPAS de diriger la mise en œuvre de cette politique sociale locale. La société civile quant à elle participe en tant que partenaire, et non en tant que « sous-traitant » ou « extincteur ». L’aide sociale relève du secteur non marchand uniquement. Les grandes entreprises commerciales voudraient aujourd’hui pouvoir conquérir le « marché des soins » et ainsi empocher les subsides destinés au travail social. Au PTB, nous sommes contre la marchandisation des soins de santé. Pour nous, le travail social n’est pas à vendre, de même les soins et l’aide sociale ne peuvent être sous-traités.
Nous sommes également opposés à l’intégration du CPAS dans la commune, car cela aura pour conséquence de mettre le budget du CPAS encore plus sous pression. La mission principale du CPAS, à savoir garantir à chacun une existence conforme à la dignité humaine, se retrouvera perpétuellement en concurrence avec les autres postes de dépense de la commune. Ce qui à son tour aura pour conséquence d’accroître le risque de démantèlement des tâches principales du CPAS et entraînera une plus grande politisation de l’aide individuelle. C’est là un pur exercice d’économie, avec cette intégration, on court le risque de voir augmenter le seuil d’accès à l’aide et aux services sociaux.
Le CPAS doit en outre garantir l’accès à l’aide médicale urgente. C’est un droit humain fondamental : toute personne a droit à l’aide médicale urgente, y compris les sans-papiers. Les CPAS aujourd’hui tentent encore trop souvent de se soustraire à ce devoir.
Tous les Bruxellois doivent pouvoir bénéficier d’un revenu qui leur permet de mener une existence digne. Un revenu au-dessus du seuil de pauvreté doit donc être garanti à chacun. Nous voulons que le revenu d’intégration soit octroyé sans condition et qu’il soit augmenté jusqu’au niveau du « budget de référence ». Il s’agit d’une norme-guide basée sur des données scientifiques pour calculer le budget qui garantit une vie digne. Cette compétence relève du fédéral, mais malgré les nombreuses promesses, le revenu d’intégration n’a pas été indexé en janvier 2024. En guise de signal fort à l’attention du gouvernement fédéral, la commune pourrait décider de provisoirement elle-même augmenter le revenu d’intégration des bénéficiaires chez qui le risque de sombrer dans la pauvreté est le plus accru.
Avec le PTB, on tend vers l’individualisation des droits sociaux. Nous trouvons inacceptable que le simple fait de cohabiter, en tant que partenaire ou non, entraîne une limitation des droits. Les allocations du cohabitant sont bien inférieures et davantage limitées dans le temps. Ce sont principalement les femmes qui se retrouvent dans cette situation. Malgré les promesses du PS et d’Ecolo ce système injuste et antiféministe porte préjudice à l’autonomie et à la sécurité d’existence de nombreuses femmes. reste en place.
À l’heure actuelle, le fédéral intervient seulement pour une partie dans le remboursement des revenus d’intégration octroyés par les communes bruxelloises. Le reste est à charge des CPAS. Ce qui pousse les communes et les CPAS à vouloir chasser de leur territoire les personnes démunies, qui leur « coûtent trop cher ». Il faut renverser cette logique et augmenter jusqu’à 100 % le pourcentage à charge des autorités fédérales dans le remboursement du revenu d’intégration.
Il faut aussi renforcer la solidarité entre les communes bruxelloises. À l’heure actuelle, les différences entre les communes de Bruxelles sont beaucoup trop grandes, et on ne tient pas suffisamment compte des besoins sociaux réels lors du financement. La dotation communale doit dès lors être revue en ce sens.
Trois. Des services et des aides à taille humaine
Aujourd’hui, beaucoup de gens se retrouvent complètement perdus dans les méandres de l’aide sociale. Pendant le COVID plusieurs services étaient difficilement joignables, entre autres à cause d’une digitalisation des guichets. En 2022 le Ministre Bernard Clerfayt, chargé de la transition numérique, voulait imposer une digitalisation accrue des administrations régionales et locales avec son ordonnance "Bruxelles Numérique". La résistance du secteur associatif a essayé d'arrêter cette ordonnance qui risque d'aggraver la fracture numérique chez ceux qui ne possèdent pas d'ordinateur ou de connexion internet, qui ne s'en sortent pas dans le dédale des sites web ou qui, plus simplement, ne savent ni lire ni écrire. Aussi le risque de non recours aux droits en raison de la digitalisation est réel avec cette réforme. Au point de mettre en cause les principes d'égalité et de non discrimination garantis par la Constitution. Avec Françoise De Smedt, le PTB a défendu le maintien des guichets et de permanences téléphoniques de qualité.
Nous voulons des services sociaux communaux fonctionnant selon le principe des trois A : accessibles, à la portée de tous et à l’écoute des citoyens :
- Nous voulons des services accessibles en termes de distance. Il doit être également possible de se présenter pour prendre un rendez-vous, la prise de rendez-vous ne doit pas uniquement se faire par ordinateur. Les listes d’attente sont longues pour obtenir un rendez-vous auprès des services de guidance budgétaire et de médiation de dettes. Il importe donc de développer ces services et de les rendre plus accessibles en multipliant les bureaux.
- Nous voulons des services à la portée de tous : pas de termes compliqués, pas de jargon, pas de méandres informatiques, mais une aide sur mesure, avec l’intervention d’un interprète le cas échéant.
- Nous voulons des services à l’écoute : le point de départ des fonctionnaires et employés au guichet ne doit pas être la réglementation, mais la demande d’aide et la manière dont ils vont pouvoir y répondre. Il s’agit donc ici aussi d’un travail sur mesure. La première chose que doit faire le collaborateur au guichet est de vérifier avec le demandeur s’il a bien été fait appel à toutes les aides auxquelles il a droit, et de voir comment l’on va pouvoir assurer la garantie de ses droits sociaux fondamentaux.
Lorsqu’un accompagnement social est nécessaire, une relation de confiance doit être développée avec le conseiller et la continuité de l’accompagnement doit être garantie de manière à éviter aux demandeurs de devoir répéter leur histoire à chaque fois qu’ils se présentent. Nous voulons offrir aux gens en difficulté un accompagnement sur mesure et suivant leur propre rythme. Bref si possible, plus long si nécessaire, et avec un conseiller attitré.
Nous voulons impliquer les personnes en situation de pauvreté dans les phases de l'élaboration et de l'évaluation des politiques. Elles sont experts du terrain et elles peuvent contribuer dans le choix des priorités et des sujets dont la politique doit s’occuper.
Les huissiers de justice à la porte. De plus en plus de gens s’enfoncent dans une spirale d’endettement. Avec les frais de rappel, de mise en demeure et d’huissiers de justice, le montant d’une facture impayée peut très vite s’envoler. Nous voulons renforcer le service de médiation de dettes et de guidance budgétaire facilement accessible, notamment dans les maisons de quartier. Nous voulons interdire aux institutions et services communaux de faire appel aux bureaux de recouvrement et huissiers de justice pour obtenir le paiement de factures impayées. Nous voulons aussi interdire la participation de la police à la saisie des meubles des familles socialement vulnérables.
Nous voulons faire en sorte que les portes et les fenêtres de toutes les institutions et de tous les services publics et parapublics soient grandes ouvertes. Nous voulons encourager dans tous les services sociaux et établissements de soins la création de collectifs d’usagers et développer une véritable culture de la participation en ouvrant les conseils d’administration aux représentants des usagers, aux groupements d’intérêts et au personnel.
Quatre. Lutte contre la sous-protection sociale et octroi automatique des droits
Une partie de la population bruxelloise passe sous le radar de notre système social. En effet, ces personnes ont droit à des aides sociales, mais n’y recourent pas. Cette « sous-protection sociale » engendre la pauvreté ou la renforce. Le rapport sur l’état de la pauvreté dans la Région de Bruxelles-Capitale a identifié plusieurs situations et mécanismes de sous-protection sociale : ignorance, non-recours, pas d’accès, le droit n’est pas proposé, exclusion.
La réglementation, les procédures et les formalités donnant accès aux droits sociaux doivent impérativement être simplifiées, tout comme les conditions d’octroi de ces droits, le but étant d’arriver à ce que ces droits soient autant que possible inconditionnellement garantis. Les CPAS doivent disposer de plus grands moyens de manière à pouvoir employer un plus grand nombre de travailleurs sociaux, avec fixation d’un plafond concernant le volume de travail par assistant social. De leur côté, les travailleurs sociaux doivent se montrer proactifs et doivent pouvoir détecter les situations de sous-protection (potentielle) et garantir à chacun l’accès aux droits sociaux.
Une des raisons pour lesquelles les gens n’ont pas recours à leurs droits sociaux ou en sont exclus est la politique de contrôle et de sanction appliquée par de nombreux CPAS. Les personnes qui s’adressent au CPAS ont souvent le sentiment d’être considérées comme des profiteurs ou des fraudeurs. Les moyens déployés par le CPAS pour traquer la fraude sociale sont disproportionnés. Selon les chiffres du SPP Intégration sociale, la fraude sociale est estimée à 5 pour cent seulement, ce qui est bien peu comparé aux 40 pour cent de personnes qui ont droit à une allocation et n’en font pas la demande, ou encore comparé aux milliards de fraude fiscale ! On déploie l’artillerie lourde contre les plus vulnérables. Cela fait partie de la stratégie de la politique de droite de monter les gens les uns contre les autres, de les diviser en « bons » et « mauvais » pauvres, de saper la solidarité. Ce n’est bien sûr pas la vision qu’a le PTB de la société. Au contraire, nous défendons une aide sociale inconditionnelle pour garantir l’accès aux droits sociaux.
Dans ce cadre mettre fin aux PiiS.
Aujourd’hui, c’est au demandeur d’entreprendre les démarches pour obtenir ses droits et de démontrer documents divers et extraits bancaires à l’appui qu’il répond bien aux conditions. Le gouvernement possède pourtant toutes nos données. Nous voulons donc que le principe du « only once » soit systématiquement appliqué, autrement dit une fois le document déposé, il pourra être réutilisé dans le cadre d’autres demandes.
Nous voulons également que les différents droits soient automatiquement octroyés. Cela fait partie de l’approche proactive des travailleurs sociaux. C’est aux autorités d’automatiquement vérifier, sans que la personne n’ait à en faire la demande, si elle a ou non droit à l’aide demandée. Les droits doivent dans la mesure du possible être octroyés sur base du revenu et non sur base du statut social des personnes. L’octroi d’un droit se fera sur base des budgets de référence pour une vie digne.
Cinq. Un emploi fixe, y compris pour les personnes en situation de vulnérabilité
Garantir le droit au travail est un moyen de lutter contre la pauvreté. Pour les personnes sans emploi, le risque de sombrer dans la pauvreté est de 41 pour cent contre 4,7 pour cent pour les personnes qui ont un emploi.
En Belgique, le nombre de « travailleurs pauvres » est en constante augmentation. Près d’un emploi sur vingt est concerné. Certaines personnes ne parviennent pas à joindre les deux bouts malgré leur emploi. Pour tous les nouveaux emplois créés, la moitié sont des emplois à temps partiel et sont très mal rémunérés. Ce n’est pas de cette manière que l’on parviendra à résoudre le problème. Pour assurer une protection efficace contre la pauvreté, l’emploi doit avant toutes choses offrir un salaire décent. Mais la qualité du travail doit également être prise en compte, et cette qualité se mesure aux conditions de travail. En effet, surcharge de travail, flexibilité, contrats précaires et licenciements ont un impact dévastateur sur notre santé et notre bien-être. Heureusement, nous sommes nombreux et pouvons donc répartir les tâches de manière à ce que chacun puisse contribuer selon ses moyens à un travail réalisable.
La manière dont nous voulons réaliser le droit au travail à Bruxelles est développé au chapitre ‘emploi’. Ici, nous approfondirons les propositions en ce qui concerne la position des personnes en situation de vulnérabilité et des personnes handicapées sur le marché de l’emploi. Des personnes qui sont disposées à contribuer, mais qui n’en ont pas la possibilité. Ce dont nous avons besoin ce sont donc des mesures adaptées, mais aussi des moyens supplémentaires. Travail adapté et encadrement spécifique permettront en effet de construire une société où chacun peut s’épanouir.
Les communes qui sont des employeurs importants engagent malheureusement de plus en plus de bénévoles. Valoriser le bénévolat en tant qu’occupation purement volontaire, utile et inconditionnelle est une chose positive. Malheureusement, on constate aujourd’hui que le bénévolat est beaucoup trop souvent instrumentalisé et que certains employés communaux rémunérés sont remplacés par des bénévoles, ou encore que certaines tâches et certains services sont confiés en sous-traitance à des entreprises qui offrent de moins bonnes conditions de travail et des salaires moins élevés. Il faut que les choses changent. La commune doit offrir des emplois à part entière, et également prévoir des emplois pour les personnes en situation de vulnérabilité. Car un emploi fixe protège de la pauvreté.
Nous avons également choisi de ne pas nous focaliser sur les diplômes de manière à faciliter la mobilité sociale, mais de plutôt nous concentrer sur les compétences acquises par l’expérience. Les candidats seront non seulement recrutés sur base de tests écrits, mais également sur base d’examens pratiques qui pèseront tout aussi lourd dans la balance.
Pour encadrer efficacement une personne dans sa recherche d’emploi, on a besoin d’une approche intégrale qui prend en considération non seulement les éléments liés au travail, mais aussi les éléments liés au bien-être. Le CPAS doit investir dans une guidance professionnelle de qualité et de proximité qui débouchera sur un emploi de qualité. Nous supprimerons tous les obstacles structurels qui se présentent dans les différents domaines. La guidance se fera sur base des possibilités et limites de chacun. Le demandeur se verra attribuer un accompagnateur fixe qui le suivra durant toutes les phases du parcours. Le cas échéant, un accompagnement intensif sera garanti.
Les parcours d’insertion socioprofessionnelle sont utilisés comme instruments pédagogiques et instruments d’autonomisation, et non comme des moyens de contrôle. Lorsqu’un bénéficiaire ne peut poursuivre le parcours, cela ne doit pas entraîner de sanction qui risquerait d’aggraver davantage la situation de précarité. Les demandeurs d’emploi ne peuvent être sanctionnés à cause du manque structurel d’emplois décents ou pour des problèmes de mobilité ou de garderie d’enfants. Les problèmes de bien-être sérieux ne peuvent donner lieu à des sanctions, mais à la mise en œuvre d’un nouveau parcours, adapté au cas du bénéficiaire.
« La mise à l’emploi selon l’article 60 » ne sera appliquée que si cette solution s’avère la plus satisfaisante pour l’intéressé. Ces emplois sont en effet trop souvent des emplois temporaires et faiblement rémunérés. L’article 60 ne peut substituer les autres emplois. Dans le cadre de l’article 61, nous travaillerons en collaboration avec des associations à but non lucratif uniquement (et non avec des entreprises privées motivées par la recherche du profit), à même d’offrir l’expertise et l’encadrement nécessaire. Nous voulons en outre de réelles possibilités d’évolution pour éviter que la personne ne se retrouve par la suite une nouvelle fois sans emploi. La commune doit investir dans des emplois via les ateliers sociaux et dans l’économie de services locale. Au travers d’initiatives comme les épiceries sociales ou restaurants de quartier, nous visons la création d’emplois pour les groupes les plus vulnérables dans un environnement de travail à bas seuil.
Certaines personnes ne sont, pour des raisons diverses, pas ou plus à leur place sur le marché de l’emploi. Et pourtant ces personnes ont comme tout le monde le droit de travailler pour pouvoir occuper utilement leurs journées, entretenir des contacts sociaux et garder leur dignité. Pour ces personnes, l’assistance par le travail peut être une solution. Les personnes souffrant d’un handicap physique ou mental pourraient ainsi travailler dans un atelier de réparation de vélos, un atelier de menuiserie ou une boulangerie. L’assistance par le travail doit être une forme de mise à l’emploi stable et ne peut faire office de tremplin vers le marché de l’emploi.
Six. Une maison de quartier dans chaque quartier de la commune
Nous voulons des aides et des services sociaux à bas seuil, proches des gens. Dans chaque commune, nous voulons un ensemble intégral regroupant services de base et initiatives à bas seuil, allant des maisons de quartier, des centres de services locaux et centres d’accueil aux restaurants de quartier. Pour chacun des 118 quartiers de Bruxelles, nous voulons au moins une maison de quartier dans chaque quartier de la commune, avec un maximum de 10 000 habitants par maison de quartier.
Nous voulons que ces maisons de quartier soient accessibles à tous et que les habitants puissent s’y réunir pour bavarder entre eux, ou tout simplement pour se détendre, boire un café, lire le journal, et éventuellement manger à prix démocratique.
Les personnes qui ont des questions ou qui rencontrent des difficultés pourront également s’y rendre pour demander de l’aide. La maison de quartier doit contribuer à la réalisation des droits sociaux fondamentaux de chaque habitant du quartier. C’est autour d’une tasse de café ou de thé que les habitants seront aidés à régler une question d’ordre administratif ou à éplucher leur facture d’énergie. Pour chaque visiteur, on vérifiera s’il a fait appel à toutes les aides auxquelles il a droit. La maison de quartier proposera aussi une guidance budgétaire, un accompagnement en matière de logement, une guidance professionnelle, elle offrira également un encadrement pour la résolution de problèmes liés aux dettes d’énergie et d’eau, une aide en matière d’enseignement et d’éducation ainsi qu’une aide médicale accessible par l’intermédiaire d’un personnel infirmier.
Les visiteurs des maisons de quartier ne sont en aucun cas des « clients » et les travailleurs sociaux ne sont en aucun cas des agents d’activation, ils n’exercent aucun contrôle et n’infligent aucune sanction. L’accueil et l’accompagnement se feront dans un cadre émancipatoire avec une approche positive axée sur la réalisation des droits fondamentaux. Les travailleurs sociaux développeront ainsi une relation de confiance avec les visiteurs.
La maison de quartier vise différentes formes de sensibilisation. Les travailleurs sociaux seront actifs sur le terrain, les visites à domicile et actions de proximité permettront ainsi d’atteindre ceux qui pour une raison ou une autre ne font pas le déplacement jusqu’à la maison de quartier. La maison de quartier travaillera également en étroite collaboration avec différents services locaux, organisations et personnes habitant ou travaillant dans le quartier, et par conséquent en mesure de détecter les besoins spécifiques du quartier.
La maison de quartier a pour mission de construire un quartier solidaire. Elle organisera des rencontres et activités pour permettre aux habitants du quartier de faire connaissance. Ce qui permettra non seulement de lutter contre la solitude de certaines personnes, mais aussi d’améliorer la sécurité et la solidarité.
Dans les maisons de quartier, les personnes qui vivent dans la pauvreté ont la parole. Une chose qui dans notre société actuelle leur est bien trop souvent refusée. Nous voulons ainsi briser la « culture du silence » (Paulo Freire) et développer une conscience individuelle et collective. Nous voulons créer des liens de solidarité ainsi qu’une passerelle vers les autres mouvements de luttes, et en particulier la lutte syndicale.